Médicaments : une nouvelle liste noire est publiée

Médicaments : une nouvelle liste noire est publiée
Mots clés : médicaments, santé publique, pharmacie
Par Delphine Chayetdamien MascretService infographie du Figaro - le 01/02/2013
INFOGRAPHIE - La revue «Prescrire» les juge plus dangereux qu'utiles et réclame leur retrait.

La revue Prescrire publie dans son numéro de février une liste de médicaments «à écarter», car jugés plus dangereux qu'utiles. En agissant par «demi-mesures» et en laissant ces substances sur le marché, «les autorités de santé ne font pas leur travail de protection des patients», accuse le mensuel, qui compile des analyses publiées dans ses colonnes de 2010 à 2012. Jugeant leur balance bénéfice/risque défavorable, la revue épingle plusieurs dizaines de médicaments, dont des produits très courants comme le gel anti-inflammatoire Ketum, le traitement pour arrêter de fumer Zyban ou l'anti-allergique Primalan. Des alternatives sont proposées. Les soignants et les patients sont donc invités à réviser les traitements en cours et à «préférer les traitements éprouvés».





Interrogée hier sur BFM TV, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a jugé ce travail «extrêmement positif». Tout en rappelant que l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a entrepris en 2011, à la suite de l'affaire du Mediator, un grand nettoyage de la pharmacopée française. Tous les médicaments ayant reçu une autorisation de mise sur le marché antérieure à 2005, mais aussi ceux qui ont un service médical rendu jugé insuffisant par la Haute Autorité de santé, sont en cours de réévaluation. «Or c'est un processus de décision qui prend du temps», indique Bernard Delorme, responsable de l'information du public à l'agence, précisant que «10 % des médicaments cités par Prescrire ont déjà fait l'objet d'une décision». Sur les 300 à 400 médicaments déjà revus, une cinquantaine a été retirée du marché. Pour d'autres, l'ANSM a seulement modifié les indications ou émis des restrictions de prescription et de délivrance. Pour certains, elle s'est heurtée à un avis contraire de l'Europe.

Rapport bénéfice/risque
Si le travail mené par Prescrire et les agences sanitaires est en réalité proche, leurs conclusions ne sont pas toujours identiques. Sans se limiter à une médecine fondée sur des preuves (evidence based medicine), l'ANSM accepte en effet les extrapolations et veille à laisser une certaine latitude aux médecins.

Ainsi, le grand public pourra être surpris de retrouver des médicaments qui lui sont couramment prescrits dans la «liste noire» de la revue, indépendante des laboratoires pharmaceutiques. Cela ne signifie pas que les médecins n'aient pas soigneusement pesé le bénéfice/risque du traitement dans son cas particulier. Les effets indésirables sévères mentionnés par Prescrire sont en effet déjà bien connus du corps médical.

Prenons l'exemple d'un médicament utilisé dans le sevrage tabagique, la varénicline (Champix), dont la revue rappelle qu'il «expose à des suicides». Ce risque a été mis en évidence dès juillet 2007 dans le cadre du plan de surveillance renforcée de l'Agence européenne du médicament. Dans la foulée, les autorités européennes ont fait ajouter dans la notice du médicament la mention d'un «risque d'infarctus du myocarde, de troubles dépressifs et de comportements suicidaires», sans qu'un lien n'ait été établi avec la prise de Champix.

En 2008, l'ANSM fait un premier bilan de pharmacovigilance après 14 mois de commercialisation en France. Elle ne remet pas en cause le rapport bénéfice/risque de Champix, mais précise que durant cette période 12 décès dont 7 cas de suicides ont été enregistrés (sur environ 468 000 patients traités). Avec un recul plus important de quatre ans, l'ANSM conclut de la même façon en 2011. Ces données sont accessibles dans le Vidal, sur les sites des agences sanitaires et le risque est mentionné dans la notice.

Base de données publique
Dans le cas de Champix, l'agence a bien mené son travail d'évaluation de la sécurité, même si elle aboutit à une conclusion différente de Prescrire. Pour les tabacologues, ce médicament a d'ailleurs toute sa place dans l'arsenal thérapeutique. «Il triple les chances de succès du sevrage par rapport à un placebo», précise le Pr Bertrand Dautzenberg, président de l'Office français de prévention du tabagisme.

Toute la question est celle du curseur du rapport bénéfice/risque, que Prescrire et les autorités sanitaires ne placent pas toujours au même niveau. Les informations relatives au médicament, considérées comme des données stratégiques pour l'industrie, ont pendant trop longtemps été opaques. Marisol Touraine souhaite aujourd'hui plus de «transparence». Une base de données publique sera prochainement mise en ligne pour faciliter l'accès aux informations pour chaque médicament. Le bilan de toutes les réévaluations y figurera, ainsi que les données de sécurité.



Article écrit par Chtismis le lundi 4 février 2013 à 14:18

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